En tant que membre actif de ce forum, je me devais de donner mon avis sur le petit dernier de Monsieur Kravitz. Avant de m’acquitter de cette tâche, je dois préciser que je suis un inconditionnel du bonhomme (par ailleurs, souvent piètre parolier), ce qui implique, par définition, une certaine subjectivité qui ne surprendra personne.
Je considère également que cette dernière livraison est de loin la meilleure de ces dix dernières années. Une fois de plus, les influences de Lenny transparaissent clairement (en substance, la trilogie Stones, Led Zep, Hendrix) mais pas uniquement. Vous noterez que je ne me prive pas pour relever les références. Toutefois, Lenny est un artiste complet, couplé d'un merveilleux producteur et il est de plus capable de réinterpréter ses artistes favoris pour amener quelque chose de nouveau s’inscrivant dans une certaine tradition. Dans ce sens, on pourrait dire que Lenny Kravitz interprète le « classic rock » des années 2000. Et ce n’est pas les Black Crowes qui me contrediront.
Casque sur les oreilles, volume de la chaîne hi-fi à 11, pouce sur la couture du pantalon. C’est parti pour la revue des troupes :
Love Revolution : Brillante démonstration qu’aucune musique populaire de ces cinquante dernières années n’est étrangère à Lenny, et surtout pas le garage rock. Mais une fois de plus, notre homme nous propose une interprétation toute personnelle en adoptant un parti pris plutôt intéressant.
Le thème tout d’abord, la révolution de l’amour, totalement à l’opposé de ce qui pourrait animer, au hasard, un groupe de jeunes gens découvrant l’énergie du rock au fond d’un garage entre le lave-linge et la voiture de papa. Le ton traînant et légèrement désabusé adopté au début de la chanson contraste avec le thème choisi. On peut facilement croire que Lenny Kravitz est tout sauf cynique et décalé lorsqu’il chante la révolution de l’amour. Effectivement il y croit. Néanmoins, rien n’interdit l’auditeur de ne pas prendre ce message à la lettre.
On peut aussi y voir un contre-pied intéressant et plein d’humour aux engagements adolescents qui vont souvent de pair avec la musique pleine de morgue (adolescente justement !) qui fait l’ouverture de l’album.
Côté production, de nombreuses idées intéressantes, qui mises bout à bout, font que le traitement apporté à la chanson est, lui aussi, en décalage avec celui auquel on pourrait habituellement s’attendre pour ce type de rock (apparemment) fait dans l’urgence : basse fuzz, réverb sur la voix, tambourin, clap de mains, cœurs.
Lenny parvient à réunir à la même table, les Stones des débuts (tambourin), Jimi Hendrix (le solo de guitare), un groupe de garage tout droit sorti de la compilation Nuggets et se paie même le luxe d’invoquer Screaming Jay Hawkins (It is time….). Et ce n’est que le début.
Bring It On : Gibson Les Paul branchée dans un bon vieux Marshall, riff bien calé faisant office d’ossature principale et couple basse-batterie pour maintenir le tout avec un sens du groove imparable. Led Zeppelin, détenteur de cette formule magique, n’est jamais très loin.
Toutefois, voici un exemple de plus du génie de songwriter et de producteur de Kravitz, qui s’en tire avec les honneurs ainsi qu’une sacrée dose de bon goût et d’originalité.
Il y a tout d’abord ce sens inné du groove (finalement pas si répandu chez ses contemporains), cette chaleur dans la voix qui sied parfaitement au rôle de prédicateur rock joué par Kravitz et enfin ce sitar qui fait toute la différence et apporte la dose de légèreté nécessaire au côté répétitif du titre.
Côté solo, tout le monde l’aura compris : Craig Ross est de retour aux affaires. Et c’est peu dire.
Good Morning : La première fausse note de l’album ? On n’en est pas loin. Lenny tourne un peu en rond sur ce titre et a recours une nouvelle fois (de trop ?) à l’utilisation des accords de quinte joués façon shuffle blues ; Technique mainte fois utilisée par le passé sur, au hasard, « Let Love Rule » ou « God Save Us All ».
La rythmique un peu lourde illustre bien le thème de la chanson et nous donne vraiment l’impression que Lenny n’est décidemment pas du matin. Ca traîne. Il y a toutefois un bon contraste entre le côté laborieux du rythme et la légèreté des cœurs et de l’orchestration.
Love, Love, Love : On y est enfin ! Seulement quatre titres est on arrive à un autre thème favori de Lenny après l’amour : la dualité, son côté gémeaux, le fait d’avoir une chose et d’en souhaiter une autre. D’un côté l’homme célèbre, adulé par des milliers de personnes et fréquentant les meilleurs endroits sur terre et, de l’autre, le souhait récurrent d’un retour à la simplicité.
Cela pourra justement paraître simpliste à certains (la plupart ?) auditeurs, voire indécent. On pourra aussi y voir toute la contradiction (assumée) du personnage.
Quand le musicien laisse la place à l’homme de studio, on peut constater que, dans ce cas, l’originalité est cette fois au rendez-vous. Pas de gros moyens mis en œuvre mais un savoir-faire exemplaire pour la prise de son et le mixage (hommage également à Henry Hirsh). C’est la rythmique funky que l’on entend en premier, mais écoutez ensuite. Qu’est-ce qui vous fait réellement remuer ? Bingo ! La batterie ! On pourrait d’ailleurs parfois se prêter à rêver que Lenny est là, devant nous, en train d’en jouer dans la même pièce.
Pour le reste, c’est la classe comme souvent : cymbale d’une grande clarté, basse mixée en retrait et mellotron pour apporter un peu de matière aux refrains. Et puis, ce moog qui sort de nulle part. Excellent, tout simplement !
If You Want It : Un autre thème cher à Lenny : la foi (en soi, en Dieu) comme moyen de trouver sa voie, de se dépasser. Le duo orgue-voix en début de morceau fait invariablement penser à « Without A Little Help From My Friend » par Joe Coker ou « Thank You » de Led Zeppelin.
Cette entrée en matière apporte également un côté religieux/prêche qui va bien au message positif et un peu naïf, je dois dire, porté par les textes.
Très bonne chanson avec un refrain enjoué. Le genre de petite ritournelle qui n’a aucun mal à se glisser dans un coin du cerveau pour la journée.
Et puis…Lenny en prêcheur soutenu par une chorale tout droit sortie de Brooklyn et la section instrumentale de Led Zeppelin pour accompagner le tout, c’est tout lui ça, non ? En tout cas, ça donne envie d’assister plus souvent à l’office du dimanche.
I’ll Be Waiting : La ballade sucrée de l’album. Celle qui va faire un tabac dans les bars de d’jeuns le samedi soir. Et oui, je le prédits, même les techtoniks vont craquer ! La petite musique gentille qui va réconcilier les parents et les enfants. Voici un premier niveau de lecture, ou devrais-je dire d’écoute.
Voyons voir…quelques accords de piano, une batterie au rythme bien marqué, une jolie voix par-dessus. Rien que du très classique. Sauf que quand Lenny s’attaque à une balade, il le fait à sa manière et laisse la concurrence loin derrière.
Un petit gimmick de guitare pour accrocher l’oreille des plus réfractaires au genre, des chœurs, un refrain en power chords. Est-ce vraiment tout ? Pas complètement. Après la refrain, la batterie s’arrête net pour laisser quelques instants, la vedette au piano, puis elle s’immisce à nouveau dans le jeu par un coup de cymbale tout en réverb, ce qui permet à la chanson de ne pas tomber dans le côté mielleux.
D’ailleurs, cette batterie, elle va encore faire quelques éclats : écoutez comme elle répond aux violons. Elle attaque et fait de la résistance face à ce mur de cordes. C’est d’ailleurs elle qui clôt l’affaire et permet à la chanson d’en finir par là où tout avait commencé. Pas de discussion possible ! Alors finalement, on se la repasse cette balade ?
Will You Marry Me : Ce n’est pas une nouveauté, Lenny a le funk dans le sang. Alors évidemment, lorsque celui-ci s’attaque au versant ultra syncopé du funk, James Brown où qu’il soit, doit remuer lui aussi et se dire qu’il n’a pas si mal fait son job en voyant ce « petit jeune » qui s’en inspire autrement qu’en l’échantillonnant sans vergogne
C’est toutefois mal connaître Lenny en pensant qu’il va s’arrêter à ce simple fait d’arme. Et pourquoi ne pas inviter Earth, Wind & Fire à se joindre à la fête pour le refrain, afin d’obtenir du…Lenny pur jus ? Ou comment assimiler ses influences en ne retenant que le meilleur. Et puis, ce solo de guitare à base de fuzz et wah-wah dont seul Lenny a le secret. Un régal !
I Love The Rain : Deuxième faux pas du cru 2008 ? J’en ai bien peur. Le solo de guitare noyé dans le delay et la reverb en début de morceau. Très peu pour nos oreilles de mélomanes. Gary Moore nous avait déjà fait le coup en 1989 et ça n’était pas mieux passé. Alors pourquoi réessayer près de 20 ans après ? Certains ont encore un peu de mémoire…
A Long And Sad Goodbye : Chanson évidemment très émotionnelle, soit l’antithèse de la préfabriquée et poussive « I Love The Rain ». L’émotion est partout et Craig Ross soutient l’ensemble avec maestria. Le thème laissera les uns de marbre, ou fera fondre les autres en larmes. D’autres préféreront encore le travail du tricoteur attitré de Lenny. C’est selon.
Dancin’ Til Dawn : Il est où Jagger ? Il a refilé un inédit des Stones période 80 à Lenny ou quoi ? Pourquoi s’en plaindre ? Il vaut mieux ça que de l’avoir donné à une œuvre de charité. Au moins, Lenny a su l’utiliser à bon escient.
Et puis, un Lenny avec une voix chaude, c’est quand même mieux qu’un Mick imitant un soul man, non ? By the way, Mister Guetta et Sinclar, prenez-en de la graîne. On peut encore enflammer les pistes de danse en jouant des instruments de musique. Plug-in et software ? Non Messieurs, ça n’est pas dans le vocabulaire de Lenny.
This Moment Is All There : Have you ever been to Electricladyland ? Il semble que Lenny connaisse le chemin, lui. Si seulement tous les musiciens avaient un aussi bon sens de l’orientation…
Production parfaite : basse ronde bien en avant, phasing sur la batterie, guitare aérienne et…ce solo. Lenny, t’as eu qui en prof de guitare ? Il exerce encore ? C’était pas celui avec une coiffure pas possible, des tenues flamboyantes et qui cassait tout le temps son matos ? Ah oui, je le connais ! Il est cool ! Dommage qu’il ait tiré sa révérence un peu trop tôt.
A New Door : Passez votre chemin ou attendez 2 minutes et 25 secondes. Vous verrez la magie s’opérera. Dans le genre, on pourra préférer ses grandes sœurs ; Stand By My Woman et I’ll Be Waiting.
Back In Vietnam : Si Lenny était Dylan, ça se saurait. Toutefois, il peut parfois s’avérer un parolier intéressant, surtout lorsqu’il est remué par ce qu’il voit à travers la lucarne de son écran plat haute définition. Ca lui donne envie de sortir ses tripes et les mots qui vont avec. Et là, pas de « sympathy » pour le mal, même si ce dernier prend racine dans son pays. Une chanson peut-elle changer le monde ?
I Want To Go Home : “I Don’t Want To Be A Star”, “Love, Love, Love”, “I Want To Go Home”: même combat ! “J’aime ma vie, mais j’en voudrais une autre”, “J’aime être en tournée, mais je voudrais rentrer”. Lenny est plus complexe qu’on ne se l’imagine ou a peut-être un peu de mal à savoir ce qu’il veut. Bonne mélodie avec mandoline Zeppelinienne et excellent refrain soutenue par un orgue qui nous transporte « higher ».